jeudi 18 janvier 2007

La matrice de la race

Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française d'Elsa Dorlin (La Découverte, septembre 2006, 303 p., 27 euros) :

Elsa Dorlin est maître de conférences en philosophie à Paris-I. Ses travaux portent sur l’histoire de la médecine, les théories féministes et la production du racisme.

En résumé :

"Au XVIIe siècle, les discours médicaux affligent le corps des femmes de milles maux: suffocation, descente de la matrice, hystérie, fureur utérine. Le sain et le malsain fonctionnent alors comme des catégories de pouvoir, fabriquant l'inégalité entre sexes. Aux Amériques, les premiers naturalistes prennent alors modèle sur la différence sexuelle pour élaborer le concept de « race » : les Indiens Caraïbes ou les esclaves déportés seraient des populations au tempérament pathogène, efféminé et faible. Puis, au début du XVIIIe siècle, c'est le souci de la santé et la crainte du dépeuplement qui pousse les médecins à promouvoir le modèle d'une femme saine et maternelle, opposée aux figures d'une féminité 'dégénérée' et qu'incarnera l'esclave africaine. Au croisement de la philosophie, des études sur le genre et de la science politique, Elsa Dorlin analyse comment les enjeux politiques sont articulés à la définition du genre, de la sexualité et de la race. Dans cet ouvrage, elle donne à comprendre en quoi le modèle d'une figure féminine saine et maternelle a déterminé la conception de la race et du racisme à l'oeuvre lorsque la nation française s'engageait dans l'esclavage et la colonisation. L'auteure montre ainsi comment on est passé de la définition d'un « tempérament de sexe » à celle d'un « tempérament de race ». La Nation prend littéralement corps dans le modèle féminin de la « mère », blanche, saine et maternelle, opposée aux figures d'une féminité « dégénérée » – la sorcière, la vaporeuse, la vivandière hommasse, la nymphomane, la tribade et l'esclave africaine. Il apparaît ainsi que le sexe et la race participent d'une même matrice au moment où la Nation française s'engage dans l'esclavage et la colonisation."

Table des matières :

Préface - Intdocution - I / Les maladies des femmes - 1. Le tempérament - La fabrique du sexe - Les philosophies de l'égalité des sexes - 2. La maladie a-t-elle un sexe ? - Engorgées, suffoquées, obsédées - L'hystérie : protée ou chimère ? - 3. Des corps mutants : prostituées, Africaines et tribades - Un précédent : les « mules du démon » - Furieuses et fricatrices - 4. Fureur et châtiments - De la fureur à la nymphomanie - Reféminiser les Européennes - II / L'engendrement de la nation - 5. Les vapeurs de la lutte des classes - Les vigoureuses paysannes : un modèle transitoire de santé - Domestiques nymphomanes et bourgeoises hystériques - 6. La naissance de la « mère » - L'élaboration d'un concept de santé féminine - La rhétorique féministe des médecins natalistes - 7. Épistémologie historique des savoirs obstétriques - Matrones et sages-femmes - Secrets des femmes vs science obstétrique - 8. Le lait, le sang, le sol - Une démiurgie monstrueuse : les nourrices - Du dépeuplement à la dégénérescence - Hybridité des peuples et marchés aux esclaves - III / La fabrique de la race - 9. La Nation à l'épreuve des colonies - La question de l'autochtonie - Du corps colonial au corps national - 10. Généalogie du racisme - L'émergence du concept moderne de la race - Du tempérament de sexe au tempérament de race - 11. Les « maladies des nègres » - Médecine coloniale et médecine esclave - L'esclavage, un régime de santé - De la pathologisation à la racialisation - Épilogue : Défaire la race - Bibliographie - Index des notions.

Extraits de presse :


« A lire une autre spécialiste de l'histoire du rascisme, Elsa Dorlin, maître de conférences en philosophie à l'université Paris 1, les premières "indigénes de la République" seraient d'abord bel et bien les femmes. Pour argument, son dernier ouvrage, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française ( La Découverte, 2006), où elle tente de décrypter en quoi les discours sur le genre et la race se modélisent l'un par rapport à l'autre. »
L'HUMANITE

« La matrice de la race est une étude qui, dans la lignée du Black Feminism américain (dont Angela Davis est l'une des principales théoriciennes) se donne pour projet de réfléchir sur les rapports entre sexe et race. »
TETU

« Premier livre d'une nouvelle collection consacrée aux "genre et sexualité" aux éditions La Découverte, l'ouvrage d'Elsa Dorlin offre un exemple brillant et érudit de la raison d'être de leur étude. »
POLITIS

« ... l'ampleur de sa documentation et la puissance de ses analyses feront assurément de ce livre la matrice féconde d'un renouveau de la réflexion, tant sur le plan théorique que politique. »
LE NOUVEL OBSERVATEUR

« ... un bel esai signé Elsa Dorlin. »
LE MONDE

« Michel Foucault avait naguère montré que le sexe était moins une donnée anatomique qu'une construction sociale. Maître de conférences en philosophie à Paris 1, Elsa Dorlin révèle comment la naissance de la nation au XIXème siècle hérite des curieuses représentations du corps de la femme et de l'indigène. »
LE QUOTIDIEN DU MEDECIN

« Avec La matrice de la race, généaloge sexuelle et coloniale de la nation française, les éditions La Découverte lancent leur collection genre et sexualité, première en France à faire directement écho aux gender studies américaines, champ d'étude transdisciplinairequi entend traquer les inégalités sexuelles dans les moindres recoins des dictionnaires. »
CHRONIC'ART

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