samedi 30 décembre 2006

Parents et homosexuels : une redéfinition de l'ordre symbolique

Michel Tort, psychanalyste, et professeur à l'université Paris 7, se préoccupe depuis longtemps des questions concernant la sexualité et la parentalité. Depuis 75, il réfléchit aux rapports entre la pratique de l'analyse et ce qui se passe à l'extérieur, en lien avec l'espace social.
Dans le cadre de son intervention à l'occasion des débathèmes de l'APGL (
Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens) en l'an 2000, Michel Tort entendait dénoncer les positions traditionnelles sur la question de l'homoparentalité et faire un sort à l'article très alarmiste de JP. Winter " Des enfants symboliquement modifiés " paru dans le Monde des Débats.

De cet article, une lecture critique a été faite, véritable commentaire de texte dont on a pu retenir les moments suivants :

Winter reprend au compte de la psychanalyse et au nom du respect des normes, la citation vitaliste de Shopenhauer selon lequel l'homme est appelé à vivre et se reproduire.
Mais Michel Tort rappelle qu'il n'y a pas de reproduction pour les humains. Le recours à l'espèce s'invalide du seul fait que nul homme n'a jamais fait commerce d'amour aux seules fins de perpétuer l'espèce. Au fond, il n'y a de reproduction que du point de vue de ce qu'il appelle la " pastorisation " où les hommes, pareils à des brebis, ont besoin d'être dirigés. Dans ce cadre là seulement, on est fondé à parler d'espèce, s'agissant de l'homme. Michel Tort dénonce ici l'émanation d'un biologisme spontané chrétien.

Sa critique vise un argument récurrent dans lequel on peut distinguer deux moments :

  • Il est d'abord supposé nécessaire à la santé psychique de l'enfant qu'il puisse, avant même d'accéder au langage, se représenter un couple fécond. Sans cela, comment pourra-t-on lui répondre quand il demandera comment viennent les enfants ?
  • Il est ensuite rappelé que si on ne permet pas la constitution de la différence anatomique des sexes, on est alors dans le désaveu pervers.

Ces deux moments s'articulent lorsqu'on procède sciemment à une opération qui empêche de se représenter la différence des sexes, précipitant l'enfant dans le désaveu pervers. C'est le cas de l'homoparentalité.
Or, il se trouve que cet argument repose sur deux suppositions douteuses, l'une que l'on pourrait organiser la perversion, l'autre que l'on aurait les moyens d'empêcher la représentation de la différence des sexes.
D'autre part, toujours selon Winter l'instrumentalisation du tiers par exemple témoignerait d'une exclusion qui laisserait des traces dans le psychisme de l'enfant.
Selon Michel Tort, un tel rejet de tout ce qui n'est pas conforme, et la dramatisation des effets qui en résultent, tient pour réglé un problème qui mérite pourtant qu'on s'y attarde : la vraie question n'est pas celle de la norme à maintenir comme seule salutaire mais celle de la position des sujets par rapport à l'artifice au cœur des dispositifs actuels par lesquels s'opèrent de nouvelles formes, de parentalité supposant des aménagements (par exemple l'IAD).
Il existe déjà, rappelle Michel Tort, des conceptions de parentalité élargie qui pose tout autrement le problème de l'homoparentalité.
Revenant sur le problème de l'organisation psychique d'un enfant élevé dans un contexte d'homoparentalité, Michel Tort précise qu'on n'empêche pas un enfant de fantasmer, quelle que soit la configuration conjugale.
Le fantasme est une production de l'activité psychique qui ne dépend pas d'ingrédients extérieurs. Ce n'est donc pas l'homoparentalité en tant que telle qui pourrait provoquer des troubles psychiques mais la façon dont les enfants arrivent dans les familles. Selon Michel Tort, il y a deux institutions qui fonctionnent en pervertissant les principes du fonctionnement psychique : il s'agit de l'IAD et de l'accouchement sous X qui présentent ce travers de laisser un sujet dans l'impossibilité d'accéder à ses origines. Ces dispositifs qui tentent d'imiter le naturel, de le rejoindre ne sont pas à laisser prospérer pour le sujet (sic).
Ce ne sont pas les seuls aménagements. A ceux-là, il convient de préférer des organisations moins naturelles et plus sociales. Au fond, il n'y a aucune raison pour qu'il n'y ait qu'un seul père ou qu'une seule mère. On pourrait imaginer des degrés, un partage de la parentalité sans être amené à cette partition entre le géniteur gamète et un parent social et symbolique mais il semble que nous manquions d'imagination.

Michel Tort entend dénoncer le caractère séparateur d'une psychanalyse dominée par la solution paternelle. Or, cela est bien antérieur à la psychanalyse, purement émané de l'organisation sociale historique et on peut bien s'interroger sur cette solidarité entre la psychanalyse et la société. Il y a deux sortes d'énoncés psychanalytiques :

  • ceux qui sont indépendants de l'idéologie ;
  • ceux qui sont contaminés par telle ou telle forme d'organisation familiale.

Or, si elle est ainsi assujettie aux idéologies, la psychanalyse ne peut plus analyser les fantasmes sociaux, entreprise à quoi elle doit s'appliquer et à laquelle elle est bien utile.
Selon lui, la majorité des interventions des analystes sur ces sujets ne sont pas psychanalytiques. Elles témoignent de positions systématiques et ne répondent pas aux exigences qu'en tant qu'analyste, on peut avoir par rapport à la production d'énoncés : si on raisonnait de cette façon dans la cure et l'ensemble de la théorisation, on n'obtiendrait aucun résultat. On assiste à une dérive de l'analyse quand la psychanalyse se solidarise avec l'organisation historique de la famille. Les configurations classiques n'ont pas à servir de base à l'analyse mais bien plutôt s'y prêter : dans le discours, quels sont les fantasmes qui continuent de circuler ?

Michel Tort voudra essentiellement souligner que pour un analyste, sur cette question de parentalité, il ne s'agit pas simplement de dire " voici ce qui est bon pour être parents " mais de se demander à quoi on peut servir pour l'analyse des fantasmes qui circulent dans notre société.
Dans sa diatribe contre l'école lacanienne, Michel Tort dénonce le fait de prêter au symbolique, dont la psychanalyse fait son mot d'ordre, les caractères d'un ordre justement qui serait universel, qui
échapperait à l'histoire. Le symbolique, comme le droit est aussi historique. Mais le droit, comme le symbolique, est pourvu d'un parfum d'éternité qui le fait prendre pour un ordre symbolique.
Au fond, ce qui est en question dans nos débats a une dimension proprement politique : à travers l'homoparentalité, c'est de conception qu'il s'agit, de ce que les sujets en tant que citoyens veulent comme parentalité. En ce sens, c'est normal qu'il y ait controverse. De fait, le sujet ne se poserait pas s'il n'y avait pas un certain nombre de sujets qui revendique des droits au nom de certains principes. Mais comment accepter que son souci d'être de bons parents soit divisé, c'est à dire objet d'un enjeu politique? Mais il y a aussi un risque de sacrifier l'enjeu de fond au bénéfice du souci légitime d'être ces bons parents.

Cette différence est renforcée parce qu'on oppose deux plans :

  • celui des traditionalistes catholiques, assez marginal somme toute, représenté par Anatrella, très loin de la psychanalyse. La véritable position traditionaliste est plutôt modérée, s'inspirant à la fois de la sociologie, de l'anthropologie, avec sans doute un brin d'histoire.
  • celle des identitaristes de gauche radicaux.

C'est grâce à eux si la question de la parentalité est posée et pas seulement grâce à notre être spontané d'homoparents. Ce sont eux qui nous réunissent contre l'ensemble d'un système qui manipule la référence à la différence des sexes et pose l'ordre symbolique comme un ordre universel, idéologie fondée sur la foi en un universel anthropologique.
Au contraire, faut-il considérer que l'homosexualité, le rapport au même n'est pas une négation de la différence des sexes puisqu'elle en relève : dans l'espace même de la différence des sexes, il existe l'homosexualité.

L'homoparentalité est une organisation particulière mais donc pas une négation de la différence des sexes.

Source : http://www.apgl.asso.fr/documents/dt_200003.htm

2 commentaires:

Anonyme a dit…

bonjour,
je sais que je vais vous paraitre completement folle mais voici un projet de vie que j'aimerai mettre en place.

Je ne suis pas lesbienne, juste une maman de deux enfants et j'aimerai en avoir un troisiemme. Par contre, je ne veux plus d'homme à la maison.

Cet enfant, je voudrais qu'il vienne d'une relation avec un couple gay, il aurait une maman, et deux papas, mais surtout de l'amour de la part de tous et la maturité de ses parents pour mettre une structure stable autour de notre enfant.

Si vous comprenez ce que j'essaie d'expliquer, prenez contact avec moi pour que nous en discuttions.

Merci de m'avoir lu.

Ichtus75000 a dit…

Hélas, je ne suis pas en couple !
Mais cela ne m'empêche de rêver d'avoir un enfant...
Merci quand même pour la proposition, et bonne chance dans votre recherche.