jeudi 26 janvier 2006

Affectivité et eucharistie

Conférence du frère Timothy Radcliffe, o.p., ancien Maître de l'Ordre des Prêcheurs

Je ne suis pas sûr du sens du mot espagnol afectividad. L’anglais affectivity se réfère non seule­ment à notre faculté d'aimer, mais aussi à la façon dont nous aimons, nous, êtres physiques et sexués, sujets à l'émotion et à la passion. Dans le christianisme, nous parlons beaucoup de l'amour, mais il arrive que cet amour apparaisse quelque peu abstrait, hors de la réalité. Et pourtant il nous faut aimer tels que nous sommes, sexués, pleins de désirs, d'émotions fortes, ayant besoin de toucher et d'être proches les uns des autres.

Que nous soyons si mauvais quand il s'agit de parler sur ce sujet est étrange, car le christianisme est la plus charnelle de toutes les religions. Nous croyons que Dieu a créé ces corps, et il les a trou­vés très bien ; Dieu est venu corporellement parmi nous, être humain comme nous ; Jésus nous a donné le sacrement de son corps et il a promis de ressusciter nos corps. Et donc nous devrions nous sentir chez nous dans notre nature corporelle avec ses passions et à l'aise quand il s'agit de parler de l'affectivité ! Mais bien souvent, quand l'Église en parle, les gens restent scep­tiques. Nous ne faisons guère autorité quand nous parlons de sexe ! Dieu s'est peut-être incarné en Jésus-Christ, mais nous, nous en sommes encore à apprendre à nous incarner dans notre corps. Il nous faut redescendre sur terre !

Un jour que saint Jean Chrysostome était en train de prêcher sur le sexe [1], il remarqua que des auditeurs rougissaient, ce qui le remplit d'indigna­tion : Pourquoi rougissez-vous ? N'est-ce pas pur ? Vous vous comportez en hérétiques. Penser qu'il faut ignorer le sexe est un manquement à la véritable chasteté, et selon personne de moins que saint Thomas d'Aquin [2], c'est un manque­ment moral ! C'est un peu comme avec ces êtres sexués et passionnés (quelquefois un peu perdus) qu'il nous faut apprendre à aimer. Autrement nous n'aurons rien à dire sur Dieu qui est amour.

Je voudrais parler de la Dernière Cène et de la sexualité. Cela paraît peut-être bizarre, mais réflé­chissez un instant. Les paroles centrales de la Dernière Cène sont Ceci est mon corps, et je vous le donne. L'Eucharistie, comme le sexe, est centrée sur le don du corps. Avez-vous jamais remarqué que la première épître aux Corinthiens tourne autour de deux sujets, la sexualité et l'Eucharistie ? Et cela parce que Paul sait qu'il nous faut comprendre l'un à la lumière de l'autre. Nous comprenons l'Eucharistie à la lumière de la sexua­lité, et la sexualité à la lumière de l'Eucharistie.

Notre société a de la peine à le comprendre, parce que nous avons tendance à considérer notre corps comme un objet en notre possession. L’autre jour, j'ai vu un livre sur le corps humain intitulé L’Homme: tous modèles, toutes formes, toutes dimen­sions, toutes couleurs. Manuel de l'utilisateur (Éditions Haynes). C'est un manuel de la catégo­rie de ceux qu'on vous donne quand vous ache­tez une voiture ou une machine à laver. Si vous pensez à votre corps de ce point de vue, comme à un objet important parmi d'autres, alors les actes sexuels n'ont pas spécialement de sens. Cela se produit de façon dramatique à l'adoles­cence, et cela peut se produire tout au long de la vie, quand on est marié ou que l'on est religieux ou prêtre. Il arrive souvent qu'une telle crise se présente cinq ou six ans après un engagement dans le mariage ou le sacerdoce. Il nous faut faire face.

Jésus aurait pu s'échapper par une porte déro­bée et s'enfuir. Il aurait pu rejeter les disciples pour n'avoir plus rien à faire avec eux. Mais non. Il a accueilli ce moment dans la foi. Et nous ne pour­rons aider les jeunes à le faire que si nous avons nous-mêmes connu de tels moments et nous y sommes confrontés. Cela a été mon cas ! Je me souviens que quelques années après mon ordina­tion, je suis tombé très amoureux. Pour la première fois je rencontrais une personne que j'au­rais épousée avec bonheur et qui m'aurait épousé avec bonheur. C'était le moment du choix. J'avais fait ma profession solennelle avec joie. J'aimais mes frères et sœurs dominicains. J'aimais la mission de l'Ordre. Mais tout en faisant profession j'avais une petite bulle interrogative dans la tête : « Qu'est-ce que ça me ferait d'être marié ? ».

À ce moment-là, il me fallait accepter le choix fait lors de ma profession solennelle. Ou, plus exactement, il me fallait accepter le choix que Dieu avait fait pour moi, que c'était là la vie à la­quelle il m'appelait. Ce furent des moments pénibles, mais ce furent également des moments de bonheur. J'étais heureux parce que j'aimais cette personne, et depuis nous sommes restés de très bons amis. Ce fut aussi un moment de bonheur parce que j'étais libéré des fantasmes que j'avais gardés au moment de ma profession solennelle. Je revenais doucement sur terre. Mon cœur et mon esprit devaient s'incarner en ma personne tel que je suis, dans la vie que Dieu avait choisie pour moi, dans cette chair et dans ce sang. La crise me remit les pieds sur terre.

Pour la plupart d'entre nous, cela ne se produit pas seulement une fois. Nous pouvons passer par plusieurs crises d'affectivité au long de notre vie. Je l'ai fait, et qui sait ce qui va encore se présen­ter ? Mais il nous faut les affronter, comme Jésus le fit à la Dernière Cène, avec courage et confiance. Alors, nous pénétrerons doucement dans le monde réel de notre chair et de notre sang.

Un bénédictin irlandais, Mark Patrick Heder­man, a écrit : L’amour est la seule force suffisam­ment impétueuse pour nous obliger à quitter l'abri confortable de notre individualisme bien retran­ché, à sortir de la coquille imprenable de notre autosuffisance, à nous glisser à visage découvert dans la zone de danger, ce creuset où un individua­lisme se purifie et devient une personnalité [3]. Et si vous n'accordez pas créance à un bénédictin irlandais, vous en croirez certainement saint Thomas d'Aquin : Celui qui aime doit par consé­quent traverser cette frontière qui le confinait dans ses propres limitations. C'est pourquoi on dit de l'amour qu'il fait fondre le cœur : ce qui est fondu n'est plus restreint dans ses propres limites, tout au contraire de ce qu'est la dureté du cœur [4]. Il n'y a que l'amour qui brise la dureté de notre cœur et nous donne un cœur de chair.

S'ouvrir à l'amour est très dangereux. On en sera probablement blessé. La Dernière Cène est le récit du risque qu'il y a à aimer. C'est pourquoi Jésus est mort : parce qu'il a aimé. Et c'est particu­liè­rement dangereux pour un prêtre ou un religieux. On y réveille des passions et désirs extraordinai­rement profonds et troublants ; on peut être en danger de perdre sa vocation ou de mener une vie double. La grâce sera nécessaire si on veut surmonter ces périls. Mais ne pas s'ouvrir à l'amour est encore plus dange­reux : c'est un risque mortel. Écoutez ce que dit C.S. Lewis : Le seul fait d'aimer rend vulnérable. Aimez quoi que ce soit, et votre cœur en sera déchiré, et peut-être brisé. Si vous voulez être sûr de le garder intact, ne donnez votre cœur à personne, pas même à un animal. Enve­loppez-le soigneusement dans des bagatelles et des fanfreluches ; évitez tout engage­ment ; mettez-le bien en sûreté dans un coffret ou dans ce cercueil que fabrique votre égoïsme. Mais dans ce coffret sûr, sombre, immobile, étanche, il se transformera. Il ne se brisera pas ; il va devenir inflexible, impénétrable, intouchable. La seule possi­bilité, à votre choix, autre que la tragédie, ou au moins que le risque de tragédie, c'est la damnation. Le seul endroit, en dehors du ciel, où vous serez parfaitement protégé de tous les dangers et de toutes les vicissitudes de l'amour, c'est l'enfer [5].

Quand nous célébrons l'Eucharistie, nous nous souvenons que le sang du Christ est versé pour vous et pour tous. En son sens le plus profond, le mystère de l'amour est à la fois individuel et universel. Si notre amour est juste individuel, il risque de se limiter à être introverti et étouffant. Si c'est juste un vague amour de l'humanité entière, il risque de devenir vide et vain. La tentation d'un couple pourrait être d'avoir un amour qui soit intense mais fermé et exclusif ; souvent, la seule chose qui pourrait alors lui épargner la destruction c'est l'arrivée d'une tierce personne, l'enfant, qui élargit leur amour. La tentation des célibataires pourrait être un amour simplement universel, un vague amour chaleureux de l'humanité. Dans La maison d’Apre-Vent, Dickens nous rapporte com­ment madame Jellyby était dotée d'une philanthropie télescopique, parce qu'elle ne pouvait rien voir qui fût plus proche que l'Afrique. [6] Elle aimait l'Afrique en général, mais ne remarquait même pas l'exis­tence de ses propres enfants.

Ceux d'entre nous qui sommes religieux ne peuvent pas se réfugier dans une telle philanthropie télescopique. S'approcher du mystère de l'amour voudra dire aussi que nous aimons des personnes, parfois d'amitié, parfois d'une profonde affection. Il nous faut apprendre à intégrer ces amours dans notre identité de religieux. Il paraît qu'autrefois on mettait souvent en garde les religieux contre « les amitiés particulières ». Notre vénérable Gervase Mathew b (c) a toujours dit qu'il craignait bien davan­tage les « inimitiés particulières » !

Bède Jarret était Supérieur provincial des domi­nicains d'Angleterre dans les années 30. Il écrivit une lettre splendide à un jeune bénédictin, Hubert van Zeller, qui allait après la guerre devenir célèbre par ses écrits de spiritualité. Ce jeune moine était tombé amoureux d'une personne que nous ne connaissons que sous son initiale P. C'était une terrible épreuve. Il craignait que ce ne soit la fin de sa vocation religieuse ; Bède vit que c'en était le commencement. Je vais vous le citer longuement. On est étonné quand on se souvient que cela fut écrit il a soixante-dix ans.

Je suis heureux [que vous soyez tombé amou­reux de P] parce que je crois que la tentation à laquelle vous avez toujours été exposé était du puri­tanisme, une étroitesse, une certaine inhumanité. Votre tendance a toujours été le refus de respecter la matière. Vous aviez l'amour du Seigneur, mais vous n'aviez pas vraiment l'amour de l'Incarnation. En réalité vous aviez peur. Vous pensiez (je vous impute ici toutes sortes de défauts sans preuve) que, si vous vous relâchiez, vous alliez vous désintégrer. Vous étiez plein d'inhibitions. Elles ont failli vous tuer ; elles ont failli tuer votre humanité. Vous aviez peur de la vie parce que vous vouliez être un saint et parce que vous saviez que vous êtes un artiste. L’artiste en vous voyait de la beauté partout ; le saint de désir disait "Mais ça c'est terriblement dange­reux" ; le novice en vous disait "Ferme bien les yeux". Et le Claude [son prénom de baptême] a bien failli voler en éclats. Si P n'était pas entrée dans votre vie, vous auriez pu voler en éclats. Je crois que P vous sauvera la vie. Je vais dire une messe d'ac­tion de grâces pour ce que P a été, et a fait, pour vous. Il y a longtemps que vous aviez besoin de P Des tantes ne sont pas des solutions. Pas plus que de vieux provinciaux bedonnants [7].

Je ne veux pas dire que nous devrions tous nous précipiter vers la porte de sortie pour trouver quel­qu'un à aimer ! Dieu nous envoie les amours et les amitiés qui font partie du chemin que nous parcou­rons vers lui, qui est la plénitude de l'amour. Nous sommes dans l'attente de qui Dieu envoie, et quand, et comment. Mais quand ils arrivent, alors nous devons avoir le courage de saisir le moment, comme le fit Jésus à la Dernière Cène.

Quand nous le ferons, il faudra que nous apprenions à être chastes. Tous, célibataires, mariés, religieux, nous sommes tous appelés à la chasteté. Ce mot n'est pas très populaire de nos jours. Il résonne aux oreilles comme étant prude, froid, distant, à demi mort, sans intérêt. Herbert McCabe, o.p., a écrit que la chasteté qui n'est pas une manifestation de l'amour n'est que le cadavre de la vraie chasteté [8]. Le cadavre d'un chien ressemble à un chien. On peut même se tromper et croire que c'est un chien qui dort tranquillement. Mais ce n'est pas un chien, c'est juste un ex-chien. De la même façon, quelqu'un qui est célibataire mais qui n'aime pas peut ressembler à quelqu'un qui est chaste, mais il est mort.

Alors, que signifie donc être chaste ? La chas­teté ne consiste pas d'abord dans la suppression du désir, au moins selon la tradition de saint Thomas d'Aquin. Le désir et les passions contiennent des vérités profondes sur ce que nous sommes et ce qui nous est nécessaire. Les étouffer ne ferait que nous tuer spirituellement, ou bien, un jour, nous faire dérailler. Nous devons éduquer nos désirs, ouvrir les yeux sur leur objet réel, les dégager des plaisirs mesquins. Nous devons désirer avec davantage de profondeur et davantage de clarté.

Saint Thomas a écrit quelque chose qu'il serait facile de mal interpréter. Il dit que la chasteté consiste à vivre selon l'ordre de la raison [9]. Cela semble bien froid et cérébral, comme si être chaste résidait entièrement dans le pouvoir de l'esprit. Mais, par ratio, Thomas voulait dire vivre dans le monde réel, selon la vérité des choses réelles[10]. Cela veut dire vivre dans la réalité de ce que je suis et de ce que sont réellement les gens que j'aime. La passion et le désir peuvent nous entraîner à vivre dans l'imaginaire, tandis que la chasteté nous ramène sur terre, à voir les choses telles qu'elles sont. Pour un religieux, ou quelque­fois pour des célibataires, peut naître la tentation de se réfugier dans le fantasme pernicieux que nous sommes des êtres angéliques éthérés qui n'ont rien à voir avec le sexe. Cela ressemble à de la chasteté, mais c'en est une perversion. Ça me rappelle l'his­toire d'un de mes Frères qui allait dire la messe dans un couvent de religieuses. La sœur qui ouvrit la porte le regarda et dit : « Ah, c'est vous, Père ! Je croyais que c'était un homme ».

On pourrait difficilement imaginer célébration de l'amour qui soit plus terre à terre que la Dernière Cène. Rien de romantique en elle : Jésus dit claire­ment à ses disciples que la fin est prochaine, que l'un d'entre eux l'a trahi, que Pierre va le renier, que les autres vont s'enfuir. Ce n'est pas du tout un gentil petit dîner aux chandelles dans une trattoria. C'est d'un extrême réalisme. Un amour eucha­ristique nous met franchement et carrément en face des désordres de l'amour, de ses échecs, et de sa victoire ultime.

Dans quels fantasmes le désir peut-il nous piéger ? J'en distingue deux. Le premier est la tenta­tion de croire que l'autre personne est tout, tout ce que nous cherchons, tout ce qui répond à nos aspi­rations. C'est une obsession. Le second est ne pas réussir à voir l'humanité de l'autre personne, de la réduire à servir à la satisfaction de nos impulsions. C'est de la concupiscence. Ces illusions ne sont pas aussi différentes l'une de l'autre qu'elles ne le sembleraient de prime abord. Chacune est le reflet de l'autre.

Je suppose que nous avons tous connu de ces moments d'obsession, quand quelqu'un devient l'objet de tous nos désirs, le symbole de tout ce que nous avons jamais désiré, la réponse à tous nos besoins. Si nous ne nous unissons pas intimement avec cette personne, notre vie est frappée de vacuité et perd toute signification. L’objet de notre amour remplit ce puits profond de besoins que nous découvrons en nous. Nous y pensons toute la jour­née. Comme Shakespeare l'a si bien exprimé : Et voici que le jour mes membres, la nuit mon esprit, Pour toi, et pour moi, ne trouvent point de repos [11].

Ou bien, pour être un peu plus moderne, le visage de la personne aimée est comme l'économiseur d'écran de notre ordinateur. Au moment où l'on arrête de penser à quelque chose d'autre, le voilà. C'est comme une prison, un esclavage, mais un esclavage auquel nous ne désirons pas échap­per. Nous divinisons la personne aimée, la mettons à la place de Dieu. Évidemment, ce que nous adorons c'est notre création à nous. C'est une projection. Peut-être tout amour passe-t-il par ce stage d'obsession insensée. Le seul remède est de vivre avec la personne jour après jour, et découvrir qu'elle n'est pas Dieu, mais seulement son enfant. L’amour commence lorsque nous sommes guéris de cette illusion et nous trouvons face à face avec une personne réelle et non pas une projection de nos désirs. Comme le dit Octavio Paz : L’amour révèle la réalité au désir [12].

Car que recherchons-nous dans tout cela ? Qu'est-ce qui provoque cette obsession ? Je ne peux parler qu'en mon nom personnel, mais je dirais alors que ce qui a toujours été derrière mes occa­sionnels troubles émotionnels était un désir d'inti­mité. C'est le désir d'être entièrement un, de faire disparaître les frontières entre moi et une autre personne, de me perdre dans une autre personne, d'aboutir à une communion pure et totale. Plutôt qu'une passion sexuelle, je pense que c'est une inti­mité que recherchent la plupart des êtres humains. S'il nous faut passer par des crises d'affectivité, il nous faut reconnaître notre besoin d'intimité.

Notre société est construite autour du mythe de l'union sexuelle comme couronnement de toute intimité. C'est ce moment de tendresse et d'union physique complète qui crée l'intimité totale et la communion absolue. Bien des humains ignorent cette intimité parce qu'ils ne sont pas mariés ou que leur mariage n'est pas heureux, ou bien parce qu'ils sont prêtres ou religieux. Et nous pouvons nous sentir injustement frustrés dans ce qui est notre besoin le plus profond. Cela semble arbitraire ! Comment Dieu peut-il me priver de la satisfaction de ce profond désir ?

Je pense que tout être humain, marié ou céliba­taire, religieux ou laïc, doit apprendre à s'accom­moder des limites de l'intimité auxquelles il est confronté. Le rêve d'une communion totale est un mythe qui porte certains religieux à désirer d'être mariés, et certaines personnes mariées à désirer d'être mariées à quelqu'un d'autre. Il est certain qu'une intimité ne peut être heureuse que si nous en acceptons les limites. Nous pouvons projeter sur des couples mariés une intimité magnifique et totale, mais qui en réalité est impossible et n'est que la projection de nos rêves. Rilke a compris qu'il ne pouvait y avoir d'authentique intimité dans un couple sans que chacun y reconnaisse que l'autre, d'une certaine façon, reste solitaire. Tout être humain garde une part de solitude autour de lui qui ne peut être abolie. Un bon mariage est celui dans lequel chacun fait de l'autre le gardien de sa solitude et lui accorde cette confiance, la plus grande qu'il soit possible de montrer (...). Une fois qu'on a compris et accepté que, même entre les êtres humains les plus proches, continuent à exis­ter des distances infinies, peut se développer une merveilleuse vie côte à côte, s'ils arrivent à aimer la distance entre eux qui donne à chacun la possi­bilité de voir l'autre en entier sur un vaste arrière-plan céleste [13].

Personne ne peut nous apporter la satisfaction totale de ce que nous désirons. Cela ne se trouve qu'en Dieu. Rowan Williams, marié et archevêque de Cantorbéry, écrit : Un être humain devient adulte et fidèle lorsqu'il prend conscience de l'incurabilité de son désir : le monde est tel que rien ne donnera à la personne une identité sans faille et accomplie [14]. Ou bien, pour citer Jean Vanier : La solitude fait partie de l'être humain, parce qu'il n'y a rien dans l'existence qui puisse satisfaire complètement les besoins du cœur humain [15].

Pour ceux qui sont mariés, une merveilleuse intimité est possible une fois qu'on a accepté d'être le gardien de la solitude de l'autre, dit Rilke ; et pour ceux d'entre nous qui ne sont pas mariés ou qui sont engagés dans le célibat, il est possible également de découvrir une profonde et merveilleuse intimité avec d'autres. Le mot intimité vient du latin intimare, qui signifie "être en rapport avec ce qui est le plus profond dans une autre personne". Parce que je suis religieux, mon vœu de chasteté me donne la possibilité d'être incroyable­ment intime avec les autres. Parce que je n'ai pas d'agenda secret et que mon amour ne saurait être dévorant ni possessif, je peux m'approcher très près du centre de la vie des gens.

Le piège opposé à l'obsession ne consiste pas à mettre l'autre personne à la place de Dieu, mais à en faire un simple objet, quelque chose qui puisse satisfaire les besoins sexuels. La concupiscence nous ferme les yeux sur l'autre en tant que personne, sur sa fragilité et sur ses qualités. Saint Thomas, écrivant sur la chasteté, dit que le lion, quand il voit la biche, voit un repas, et que la concupiscence fait de nous des chasseurs, des prédateurs voyant ce qu'ils peuvent dévorer. Ce que nous voulons, c'est un morceau de chair, quelque chose à dévorer. Ici encore, la chasteté consistera à vivre dans le monde réel. La chasteté nous ouvre les yeux et nous fait voir que ce qui est devant nous est, oui, c'est vrai, un beau corps, mais que ce corps est quelqu'un. Ce corps n'est pas un objet, mais un sujet. Je vais à nouveau citer Hederman : Le vœu de chasteté empêche les pieds du chasseur de faire ce qu'ils feraient naturellement : poser des pièges aux autres et s'en approcher en prédateur [16]. Ce qui a été si terrible dans ces histoires d'abus sexuels est que souvent il y avait eu préparation savamment calculée.

On pourrait croire que la concupiscence est une passion sexuelle non maîtrisée, un désir sexuel débridé. Mais saint Augustin, qui s'y connaissait dans la question, estimait que la concupiscence est un désir de domination du prochain davantage que de plaisir sexuel. La concupiscence relève de la libido dominandi, le désir de domination qui nous transformerait en Dieu. La concupiscence concerne davantage la puissance qu'elle ne concerne le sexe. Comme l'écrit Sébastien Moore, la concupiscence n'est pas une passion sexuelle qui échappe au contrôle de la volonté, mais une passion sexuelle qui prend la place de la volonté de Dieu (...). La tâche qui nous revient n'est pas de soumettre la passion sexuelle à la volonté, mais de lui restituer sa nature de désir qui trouve son origine et sa fin en Dieu, et dont la libération s'opère par la grâce de Dieu manifestée dans la vie, l'enseignement, la crucifixion et la résurrection de Jésus-Christ [17].

Pour surmonter la concupiscence, la première étape n'est pas l'abolition du désir, mais sa réhabi­litation, sa libération, la redécouverte qu'il concerne non pas un objet mais une personne. Tant de tristes scandales d'abus sexuels sur mineurs viennent de prêtres ou de religieux incapables de gérer leurs relations d'adultes avec leurs égaux ! Ils ne pouvaient rechercher de relations que là où ils avaient pouvoir et autorité. Il leur fallait, eux, rester invulnérables. À la dernière Cène, Jésus prit du pain et le donna à ses disciples en disant : Ceci est mon corps livré pour vous. Il se livre. Au lieu de se les asservir, il se livre à eux pour faire ce qu'ils veulent. Et nous savons ce qu'ils en feront. Voilà l'immense vulnérabilité de l'amour.

La concupiscence et l'obsession peuvent sembler bien différentes, et pourtant chacune est le reflet exact de l'autre. Dans l'obsession, on fait un Dieu de l'autre personne, et dans la concupiscence on fait un Dieu de soi-même. Dans un cas, on se rend totalement impuissant, et dans l'autre on prétend au pouvoir absolu. Rowan Williams écrit que l'amour hésite entre l'égoïsme et l'abnégation de soi [18]. Il nous donne un sentiment intense de nous-mêmes, et en même temps il nous fait disparaître du champ de conscience. Peut-être bien que la concupiscence apparaît quand l'égoïsme prend le dessus, et l'obsession quand l'abnégation de soi fait perdre tout sens d'identité.

Ainsi la chasteté consiste-t-elle à vivre dans le monde réel, à voir l'autre tel qu'il (ou elle) est, et moi-même tel que je suis. Ils ne sont ni divins ni simplement une masse de chair. Nous sommes tous les deux enfants de Dieu. Nous avons une histoire. Nous avons fait des vœux et des promesses. L’autre a des engagements, peut-être comme partenaire ou conjoint. Nous autres, prêtres ou religieux, nous nous sommes donnés à notre Ordre et à notre diocèse. C'est comme tels, pris et liés par divers engagements, que nous pouvons apprendre à aimer d'un cœur ouvert et les yeux ouverts.

Cela est difficile parce que nous vivons dans le monde de l'internet. C'est un univers de réalité virtuelle où on peut vivre dans des mondes imagi­naires comme s'ils étaient réels. Nous vivons dans une culture qui distingue difficilement l'imaginaire de la réalité. Tout est possible dans le cyber­monde. C'est pourquoi la chasteté est difficile : elle est un effort pour voir la réalité.

Comment pouvons-nous alors redescendre sur terre ? Je signalerais trois étapes. Il faut que nous apprenions à ouvrir les yeux et à voir les visages de ceux qui sont devant nous. Combien de fois regardons-nous vraiment les visages des gens tels qu'ils sont ? Brian Pierce, un dominicain améri­cain, est en train d'écrire un livre où il compare la pensée de Maître Eckhart, le mystique dominicain du XIVe siècle, et celle de Thich Nhat Hanh, un Bouddhiste du XXe. Pour tous les deux, le commencement de la vie contemplative se situe au moment présent, en ce que les Boud­dhistes appellent « la conscience ». Seul le moment présent est réel. C'est en ce moment que je vis, et par conséquent c'est en ce moment que je peux rencontrer Dieu. Il faut que j'acquière la sérénité de cesser de m'inquiéter pour le passé et pour l'avenir. Maintenant est le moment où commence l'éternité. Eckhart demande : « L'aujourd'hui, qu'est-ce que c'est ? ». Et il répond : « L’éternité ».

À la Dernière Cène, Jésus a saisi le moment présent. Au lieu de s'inquiéter de ce que Judas avait fait ou de l'approche des soldats, il vécut le moment présent, prit le pain, le rompit et le donna à ses disciples en disant : Ceci est mon corps donné pour vous. Chacune des Eucharisties nous plonge dans ce maintenant éternel. C'est en ce moment que je peux être présent à une autre personne, serein et tranquille en sa présence. Je suis si occupé, courant de droite et de gauche, pensant à ce qui va se passer ensuite, que je ne suis pas capable de voir le visage en face de moi, d'en voir la beauté et les blessures, d'en voir la joie et les souffrances. Ainsi donc, la chasteté comporte l'ou­verture de mes yeux !

Ensuite, je peux apprendre l'art d'être seul. Je ne peux pas être heureux avec les autres à moins de pouvoir être seul parfois. La solitude me terrifie, alors je saisis les autres non pas parce que je me plais avec eux, mais comme une solution à mon problème. Je considère les autres comme un moyen de remplir ma vacuité, ma terrible solitude. Je ne pourrai donc pas me réjouir avec eux pour leur propre bien. Et donc, quand on est présent avec une autre personne, il s'agit d'être vraiment présent, et, quand on est seul, il s'agit d'apprendre à aimer la solitude. Autrement, quand on est avec une autre personne, on s'y agrippe jusqu'à l'étouffer !

Enfin, toute société vit avec son histoire. Notre société a ses histoires traditionnelles. Ce sont souvent des histoires romantiques : un garçon rencontre une fille (ou bien quelquefois un garçon rencontre un garçon), ils s'éprennent l'un de l'autre et vivent heureux longtemps. C'est une belle histoire qui arrive souvent. Mais si nous croyons que c'est là la seule histoire possible, nous vivrons avec des possibilités trop restreintes. Il faut que notre imagination se nourrisse d'autres histoires, qui nous parlent des façons de vivre et d'aimer. Nous devons déployer devant les jeunes la vaste diversité des façons dont on peut rencon­trer l'amour et lui donner sens. C'est pourquoi les vies des saints étaient si importantes. Elles nous montraient qu'il y a bien des façons de vivre héroïquement, en étant marié ou célibataire, en étant religieux ou laïc. Une autobiographie m'a beaucoup touché : celle de Nelson Mandela, The Long Road to Freedom. Voilà un homme qui consacre toute sa vie à la cause de la justice et à la défaite de l'apartheid, et cela signifie qu'il n'a pas la vie dans le mariage qu'il désirait tellement, qu'il désira pendant des années de prison.

Ainsi donc, le premier pas vers la chasteté c'est de descendre sur terre. Je vais rapidement mention­ner les deux autres.

Le second, très sommairement, consiste à ouvrir notre amour, de sorte qu'il ne reste pas un petit monde privé où trouver refuge. L’amour de Jésus est dévoilé quand il prend le pain, et il le rompt pour qu'il puisse être partagé. Lorsque nous découvrons l'amour, nous ne devons pas le garder dans un petit placard privé pour un plaisir personnel, comme une bouteille de whisky conservée en cachette en vue d'une consomma­tion solitaire. Il faut l'ouvrir aux autres, le leur faire partager et les en faire profiter. Il nous faut partager nos amours avec nos amis, et nos amis avec ceux que nous aimons. C'est ainsi qu'un amour particulier devient universel.

Par-dessus tout, dans tout amour nous pouvons ouvrir l'espace à Dieu pour qu'il y demeure. Dans tout amour particulier peut vivre le mystère même de l'amour, qui est Dieu. Quand nous aimons quel­qu'un profondément, Dieu est déjà présent, si seulement nous savons l'y voir. Plutôt que de consi­dérer nos amours comme étant en concurrence avec Dieu, soyons conscients qu'ils lui laissent de la place où il peut dresser sa tente. Comme le disait Bède Jarrett à Hubert van Zeller, si vous pensiez que la seule chose à faire soit de vous retirer dans votre coquille, vous ne verriez jamais combien Dieu est aimable. Vous devez aimer P et chercher Dieu en P (...). Appréciez votre amitié, payez-en le prix par votre souffrance, souvenez-vous-en dans votre messe, et qu'il y soit la tierce personne. L’ouverture de l’Amitié spirituelle par ÆIred de Rievaulx c est : "Nous voici, toi et moi, et j'espère qu'entre nous deux le Christ est le troisième". N'est-ce pas magnifique ? Si vous fuyez l'amour, vous ne saurez jamais combien Dieu est aimable ; mais si vous ne laissez pas Dieu entrer dans cet amour et ne lui en faites pas les honneurs, alors vous ne connaîtrez pas non plus le mystère de cet amour. Si nous sépa­rons notre amour de Dieu et notre amour des personnes, les deux se rempliront d'amertume et deviendront malsains. C'est cela que signifie « mener une double vie ».

La troisième étape, peut-être la plus difficile, est que notre amour doit libérer les personnes. Tout amour, qu'il soit celui de gens mariés ou celui de célibataires, doit être libérateur. L’amour d'un époux et d'une épouse doit ouvrir de grands espaces de liberté, et, pour ceux d'entre nous qui sont prêtres ou religieux, c'est encore plus vrai. Nous devons aimer les personnes de façon qu'elles soient libres d'aimer les autres plus que nous. Saint Augustin appelle l'évêque l'ami du marié, l'amicus sponsi. En anglais, lors d'un mariage, nous parlons du best man (garçon d'honneur). Le « meilleur homme » n'essaie pas de s'attirer l'amour de la mariée, et même pas celui des demoiselles d'honneur ! Il dirige vers un autre.

Un dominicain français a un jour comparé Dieu à un gentleman anglais qui est si immensément discret qu'il ne désire aucunement s'imposer aux gens qu'il aime. Il passe la tête dans l'entrebâille­ment de la porte pour s'assurer que tout va bien dans leurs marques d'affection, et puis, même s'il aimerait bien rester, disparaît pour les laisser seul à seul. C.S. Lewis l'exprime autrement : C'est un des privilèges divins d'être toujours moins l'aimé que l'amant [19]. Dieu est toujours celui qui aime davantage qu'il n'est aimé. Ce peut aussi être notre vocation. Comme l'écrit Auden : Si une égale affection ne peut être, Que je sois le plus aimant [20].

Cela suppose de faire en sorte de ne pas occu­per le centre de la vie des autres et en faire nos dépendants. Il faut toujours nous efforcer de leur apporter d'autres soutiens, d'autres réconforts, de sorte que nous devenions moins importants pour eux. Ce qui veut dire que la question peut toujours êtes ainsi posée : mon amour rend-il cette personne plus forte, plus indépendante, ou bien la rend-elle plus faible, plus dépendante de moi ?

Cela suffit ! Je dois m'arrêter, après une dernière réflexion, cependant. Apprendre à aimer est une entreprise dangereuse. Nous ne savons pas où elle peut nous mener. Nous allons découvrir un boule­versement de notre vie. Il nous arrivera certaine­ment quelquefois d'être blessé. Avoir un cœur de pierre serait plus facile que d'avoir un cœur de chair, mais dans ce cas nous serions mort ! Mort, nous ne pouvons pas parler du Dieu de vie. Mais comment vivre cette mort et cette résurrection ?

À chaque Eucharistie, nous nous souvenons que Jésus a répandu son sang pour le pardon des péchés. Cela ne veut pas dire qu'il lui fallait apai­ser un Dieu en colère ; cela ne veut même pas dire seulement que si nous fautons il suffit d'aller nous confesser et d'être pardonné. Ça veut dire cela, mais bien davantage encore. Ça veut dire que, au milieu de toutes nos luttes pour être des personnes vivantes et aimantes, Dieu est avec nous. La grâce de Dieu est avec nous dans les moments d'échecs et de trouble, pour nous aider à nous remettre sur pieds. Tout comme, le Dimanche de Pâques, Dieu changea le Vendredi saint en un jour de bénédic­tion, nous pouvons avoir confiance que tous nos efforts pour aimer porteront des fruits. Il n'y a donc pas de raison d'avoir peur ! Nous pouvons nous lancer dans cette aventure vers l'inconnu avec confiance et courage.



[1] 12e homélie sur l'épître aux Colossiens.

[2] II.II. 142.1

[3] Mark Patrick Hederman, Manikon Eros. Crazy Love (Dublin 2000), p. 66.

[4] Commentaire des sentences III, 25,1,1,4 m.

[5] Clive Staples Lewis, penseur et apologiste britannique, 1898-1963. The Four Loves (Londres, 1960), p. 111.

[6] Titre original : Bleak House.

b Anthony Gervase Mathew (1905-1976), dominicain, professeur d'his­toire à Oxford pendant 40 ans, et archéologue au Kenya.

[7] Letters of Bede Jarrett (éd. de Downside Abbey, 1989), p. 180.

[8] Law, Love and Language, p. 22.

[9] 11,11,151.1

[10] Josef Pieper, The Four Cardinal Virtues (éd. Notre Dame University, 1966), p. 156.

[11] Sonnet XXVII.

[12] Octavio Paz : poète mexicain (prix Nobel de littérature en 1990), 1914-1998. Cité par Hederman, op. cit., p. 87.

[13] Rainer Maria Rilke : poète de langue allemande, 1875-1926. Cité par Hederman, op. cit., p. 87.

[14] Lost Icons, p. 153.

[15] Accueillir notre humanité, Presses de la Renaissance, 1999.

[16] Hederman, op. cit., 96.

[17] Sébastian Moore: bénédictin contemporain anglais. Cité par Hederman, op. cit., p. 105.

[18] Lost Icons, p. 156.

c Ælred, abbé cistercien de Rievaulx, dans le nord de l'Angleterre (1109-1167).

[19] Lewis, op. cit., p. 184.

[20] Wystan Hugh Auden, poète mystique anglais (converti adulte à l'anglicanisme), 1907-1973. Collectée! Shorter Poems (London, 1966), p. 282.

HOMOSEXUALITE ET CHRISTIANISME

Extraits d’une conférence du Père dominicain Gareth Moore donnée à la Communauté dominicaine de Froidmont à Rixensart les 8 et 9 mars 1997. Il est malheureusement décédé en décembre 2002

(...)

Quelle est donc la doctrine officielle de l’Église catholique sur l'homosexualité ? L'essentiel peut être dit de manière très concise: tout acte homosexuel est en tant que tel, et donc intrinsèquement, un mal. Il n'y a aucun acte homosexuel, dans n'importe quelles circonstances, qui puisse être bon ou accepté. C'est toujours un péché. C'est très récent que l’Église universelle traite explicitement de l'homosexualité. "Persona Humana", un document, publié au Vatican en 1976, qui traite de plusieurs questions sexuelles, parle ainsi de l'homosexualité :

Selon l'ordre moral objectif, les relations homosexuelles sont des actes dépourvus de leur règle essentielle et indispensable. Elles sont condamnées dans la Sainte Écriture, comme de graves dépravations et présentées même comme la triste conséquence d'un refus de Dieu. Ce jugement de l'Écriture ne permet pas de conclure que tous ceux qui souffrent de cette anomalie en sont personnellement responsables, mais il atteste que les actes d'homosexualité sont intrinsèquement désordonnés et qu'ils ne peuvent en aucun cas recevoir quelque approbation.

Le document "Homosexualitatis Problema" (1986) ajoute les points suivants :

« … Bien qu'elle ne soit pas en elle-même un péché, l'inclination particulière de la personne homosexuelle constitue néanmoins une tendance, plus ou moins forte, vers un comportement intrinsèquement mauvais du point de vue moral. C'est la raison pour laquelle l'inclination elle-même doit être considérée comme objectivement désordonnée.

Aussi ceux qui se trouvent dans cette condition devraient-ils faire l'objet d'une sollicitude pastorale particulière, afin qu'ils ne soient pas enclins à croire que l'actualisation de cette tendance dans les relations homosexuelles est une option moralement acceptable. La personne homosexuelle n'est donc pas dans une position heureuse, mais en restant fidèle aux sacrements (surtout celui de la réconciliation), en portant sa croix comme Jésus a porté la sienne, elle peut espérer le salut. »

Le "Catéchisme de l’Église catholique" (1992) résume de manière très concise cette position négative :

S'appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves, la Tradition a toujours déclaré que "les actes d'homosexualité sont intrinsèquement désordonnés". Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l'acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d'une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d'approbation en aucun cas. »

Dans ce texte on voit de multiples considérations rangées ensemble contre l'homosexualité : la Bible, la tradition, la loi naturelle, la complémentarité. La foi chrétienne et la raison humaine ensemble démontrent la nécessité absolue de s'abstenir de toute activité homosexuelle. (...)

Première précision: Il est clair que cette doctrine surtout concerne les actes homosexuels. Il faut distinguer les actes et la tendance à les commettre, cette tendance que les documents officiels appellent parfois "la condition homosexuelle". Une personne homosexuelle trouve en elle-même une tendance à commettre de tels actes homosexuels. Il faut résister à cette tendance comme à tout autre tendance au péché. Elle n'est pas un péché en elle-même, parce qu'elle n'est pas un acte qui pourrait être jugé moralement; elle est simplement un élément donné, une condition que certains découvrent dans leur nature psychique. Mais c'est une condition à regretter, puisque c'est une tendance au péché. La personne homosexuelle n'est donc pas en tant que telle un pécheur, elle peut être très vertueuse. Elle ne commet un péché que si, cédant à sa tendance sexuelle, elle "passe à l'acte"; mais, si elle agit ainsi, elle commet inévitablement un péché. Puisque tous les chrétiens sont obligés à lutter contre le péché, la condition de la personne homosexuelle l'implique obligatoirement dans une lutte morale contre une partie de elle-même.

Deuxième précision: Dans la tradition catholique, il faut toujours distinguer le péché et la culpabilité. Pour que le péché soit vraiment un acte humain, dont celui qui le commet est vraiment responsable et donc coupable, il faut qu'il agisse en toute liberté et en pleine connaissance de ce qu'il fait. Pour parler de manière simple, le péché, c'est faire quelque chose contre la volonté de Dieu (ou ne pas faire quelque choses que Dieu veut absolument qu'on fasse). Si, p. ex., il est contre la volonté de Dieu de voler la propriété d'autrui, une personne qui vole la propriété d'autrui agit contre la volonté de Dieu, il commet le péché. Mais si elle ne sait pas que le vol est contre la volonté de Dieu, ou qu'elle est contrainte par sa pauvreté à voler, ou qu'elle vole malgré elle, sa culpabilité est diminuée voire éliminée. Si la doctrine de l’Église dit que l'homosexuel a en tant que tel, une tendance à pécher, elle ne dit pas qu'il est, en tant que tel, un pécheur. Elle ne dit pas non plus que l'homosexuel qui "passe à l'acte" en est coupable. S'il ne croit pas que ce qu'il fait soit un péché, ou qu'il le fait malgré lui - parce qu'il est trop faible pour résister à la tentation ou pour une autre raison - sa culpabilité est diminuée voire éliminée. (...)

La Bible

(...) Dans l'Ancien Testament, il y a deux textes principaux: Genèse 19 et Lévitique 18:22. En Genèse 19 est racontée l'histoire de la destruction de Sodome et Gomorrhe. Deux hommes (en fait des anges) arrivent à Sodome et Lot, le neveu d'Abraham, les invite à loger chez lui. Tous les hommes de la ville entourent la maison de Lot en demandant qu'il leur livre les deux étrangers pour qu'ils les "connaissent". A cause de leur méchanceté, Dieu détruit la ville. La leçon à tirer est que Dieu ne supporte pas les actes homosexuels. Au Lévitique 18:22 on trouve un texte légal, beaucoup plus concis et explicite: "Tu ne coucheras pas avec un homme comme avec une femme".

Le Nouveau Testament contient également des textes qui condamnent explicitement l'homosexualité. Le premier chapitre de la lettre de Saint Paul aux Romains déclare que le comportement et le désir homosexuels qui est à trouver dans le monde païen du premier siècle est précisément le châtiment du paganisme. Paul dit:

Aussi Dieu les a-t-il livrés selon les convoitises de leur cœur à une impureté où ils avilissent mêmes leurs propres corps;eux qui ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, adoré et servi la créature de préférence au Créateur qui est béni éternellement. Amen. Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes : car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature; pareillement les hommes délaissant l'usage naturel de la femme, ont brûlé de désir les uns pour les autres, perpétuant l'infamie d'homme à homme et recevant en leurs personnes l'inévitable salaire de leurs égarements. (Rom 1. 24-27)

En 1 Corinthiens, Paul dit plus brièvement : Ne savez vous donc pas que les injustes n'hériteront pas du Royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas ! ni les débauchés, les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les pédérastes, ni les voleurs, ni les accapareurs, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les filous n'hériteront du Royaume de Dieu (1 Cor 6:9 - 10)

Il y a donc une condamnation visible et incontournable de l'homosexualité dans les deux testaments; pour rester fidèle à la Bible, la Parole de Dieu, l’Église doit inévitablement condamner elle aussi toute action homosexuelle. Cette condamnation correspond aussi très bien à la position négative prise historiquement par l’Église Mais il ne s'agit pas simplement de renforcer une prise de position négative par rapport à l'homosexualité en recherchant dans la Bible des textes qui la justifient. Il y a des valeurs positives qui jouent aussi, des valeurs qui s'expriment également dans Écriture sainte. Celles-ci concernent les relations entre les hommes et les femmes. Je cite le document "Homosexualitatis Problema". Faisant référence à Genèse 1, il dit : Dieu, dans son infinie sagesse et son amour tout-puissant, appelle à l'existence la réalité toute entière comme un reflet de sa bonté. Il crée l'homme à son image et ressemblance, comme homme et femme. Les êtres humains sont donc des créatures de Dieu, appelées à refléter, dans la complémentarité des sexes, l'unité du Créateur. Ils réalisent cette tâche de façon spéciale quand ils coopèrent avec lui dans la transmission de la vie par la donation conjugale réciproque.

C'est une valorisation très forte de la relation homme-femme, valorisation qui lie la différence entre les sexes et leur coopération sexuelle à la nature de Dieu lui même. Mais s'ensuit logiquement, semble-t-il une dévalorisation des rapports homosexuels : Opter pour une activité sexuelle avec une personne du même sexe revient à annuler le riche symbole et la signification - pour ne rien dire des fins - du dessein de la sexualité selon l'intention du Créateur. L'activité homosexuelle n'exprime pas la complémentarité d'une union capable de transmettre la vie et ainsi, elle est en contradiction avec la vocation d'une existence vécue sous la forme de ce don de soi dans lequel l'Évangile voit l'essence même de la vie chrétienne. Cela ne signifie pas que les personnes homosexuelles ne soient pas souvent généreuses et capables du don d'elles-mêmes, mais quand elles entretiennent une activité homosexuelle, elles cultivent en elles une inclination sexuelle désordonnée, foncièrement caractérisée par la complaisance de soi. Pour mettre en valeur la différence sexuelle créée par Dieu et la procréation qui suppose évidemment l'hétérosexualité, il faut exclure l'homosexualité. C'est au fond pour défendre la valeur de ce que Dieu a crée, la raison d'être de la sexualité et sa signification symbolique, que l’Église doit condamner l'homosexualité. Dieu a crée la sexualité pour que les hommes et les femmes puissent s'unir de manière féconde et qu'ils soient ainsi vraiment l'image de Dieu.

Cet enseignement qui condamnent l'homosexualité semble à première vue condamner aussi les homosexuels ; s'ils souhaitent rester fidèles à l’Église, ils ne connaîtront jamais l'amour sexuel qui va pratiquement de soi pour le reste du monde. Mais en réalité, dit la doctrine officielle, ce n'est pas le cas. L’Église n'impose rien, elle reconnaît simplement la volonté, clairement exprimée dans la Bible, de Dieu et elle insiste pour rester fidèle à Dieu. Les hommes ne trouvent finalement leur vrai bonheur qu'en Dieu et en lui restant fidèle. Dieu veut notre bonheur; qui se détourne de lui s'oriente vers le malheur. Or c'est pour l'hétérosexualité que Dieu nous a crées, non pas pour l'homosexualité ; c'est pourquoi, ayant reconnu qu'il n'est pas bon que l'homme soit seul, il a crée Ève pour Adam et pas un second homme: Dieu a crée Adam et Ève, pas Adam et Yves. L'homme et la femme se complètent mutuellement et trouvent le bonheur que Dieu veut pour eux, dans leur vie ensemble qui a le caractère d'un don mutuel de soi et dont leurs rapports sexuels font partie. Il n'en va pas de même pour les rapports homosexuels, qui ont pour but essentiels la complaisance de soi. Je cite de nouveau "Homosexualitatis Problema" :

"Comme dans tout désordre moral, l'activité homosexuelle entrave la réalisation et la satisfaction personnelle, parce qu'elle est contraire à la sagesse créatrice de Dieu. En rejetant des opinions erronées concernant l'homosexualité, l’Église ne limite pas, mais défend plutôt la liberté et la dignité de la personne entendues d'une façon réaliste et authentique. Dieu ne condamne pas l'homosexuel; il l'aime, il veut son bonheur. C'est parce qu'il aime, pas parce qu'il condamne, qu'il dit à l'homosexuel: "Pas de pratiques homosexuelles ! Elles te rendront malheureux. Si dur que cela puisse te paraître, tu seras plus heureux, plus libre, si tu t'en abstiens. "La personne homosexuelle qui ne s'abstient pas de toute pratique homosexuelle ne risque pas d'être condamnée par Dieu. Elle sera, malgré elle, malheureuse, et c'est cela que Dieu veut éviter. L’Église aussi, qui ne veut qu'accomplir la volonté de Dieu, veux que tous les hommes soient heureux; elle essaie donc de détourner les personnes homosexuelles, qu'elle aime, de leurs activités sexuelles."

(...) L’Église prétend condamner l'homosexualité, non par préjugé, mais par respect pour Dieu et pour les hommes, et sur base d'une théorie qui s'appuie sur la Bible et la nature de la sexualité. Il y a beaucoup de catholiques et aussi de nombreux protestants qui sont très contents de cette position de l’Église en raison de sa fidélité évidente à la Bible et à la tradition chrétienne. D'autre part, elle n'est pas conçue pour rendre heureux les homosexuels. Il y a beaucoup de gens qui sont profondément blessés par ce que l’Église dit à leur égard, malgré que l’Église prétend les aimer et parler ainsi pour qu'ils évitent le malheur. Il y a ceux qui, déjà aliénés par l’Église, trouve dans sa doctrine un préjugé "médiéval" un obscurantisme pour lequel il n'y a pas de place dans le monde d'aujourd'hui. Il y a aussi des homosexuels catholiques, profondément attachés à l’Église, qui se sentent rejetés et condamnés par cette institution à laquelle ils veulent rester fidèles. Mais pour ceux à qui elle ne plaît pas, il ne suffit pas de dire que l'enseignement actuel est blessant, ou qu'il empêche leur épanouissement. L’Église reconnaît qu'il peut être dur à recevoir et à vivre, mais elle prétend qu'elle n'a pas le choix : son devoir n'est pas de plaire aux hommes mais de rester fidèle à Dieu, à la vérité. Si, au fait, l'homosexualité déplaît à Dieu, l’Église ne peut dire autrement ; aucun homosexuel qui prétend croire en Dieu ne peut dire autrement. Au fond, il s'agit de proclamer et de défendre la vérité, et de vivre selon elle. (...)

L’Église parle toujours en termes d'actes homosexuels; elle ne parle jamais de relations homosexuelles. C'est-à-dire qu'en traitant des actions homosexuelles des homosexuels, elle en parle comme si celles-ci se produisaient en dehors de toute relation humaine. Les actions homosexuelles des hétérosexuels sont par contre toujours considérées dans le contexte du mariage, c-à-d d'un don mutuel de deux personnes qui se consacrent l'un à l'autre.

Donc ce contexte, l'acte sexuel peut avoir un sens évident: l'union physique des deux corps est apte à exprimer symboliquement l'unité des deux personnes unies par l'amour. Peut être qu'elle exprime aussi, comme le prétend la doctrine de l’Église, l'unité de Dieu, du Père, du Fils et du Saint Esprit dont le principe d'unité est l'amour. Mais l'amour homosexuel existe aussi. Les rapports homosexuels ne sont pas à traiter comme s'ils existaient sans contexte humain, comme le fait l’Église

Les rapports homosexuels peuvent se produire sans relation humaine et sans amour, c'est vrai, mais il en va de même pour les rapports hétérosexuels. Le sexe sans l'amour est peut être à déplorer, mais c'est une autre question. L'amour homosexuel existe et il est réel. Cet amour qui unit deux personnes mariées peut unir aussi deux personnes homosexuelles. Comme les hétérosexuels, les homosexuels peuvent faire l'amour. Dans le cas de deux homosexuels qui s'aiment mutuellement, qui partagent leur vie, qui se consacrent l'un à l'autre de manière permanente, l'union sexuelle peut également être l'expression physique de l'amour qui unit; il n'est pas évident de dire qu'une telle union sexuelle ne pourrait pas être également, comme l'union physique de deux personnes mariées, un symbole de l'unité de Dieu. Certes, l'union sexuelle de deux personnes homosexuelles ne peut produire d'enfant, ne peut être féconde de la même manière que celle de deux personnes hétérosexuelles. L'union sexuelle de deux personnes mariées dont une est stérile ne peut l'être non plus. En plus, l'union sexuelles d'un couple marié est censée, selon la doctrine officielle, refléter l'unité de Dieu. Mais l'union des personnes de la Trinité n'est pas féconde comme l'union sexuelle d'un couple marié. Dieu n'est pas fécond, il est créateur. C'est-à-dire que le couple hétérosexuel fécond est une mauvaise image de Dieu.

La Bible revisitée

(...) Comment est-il possible que les israélites et les premiers chrétiens s'expriment au sujet de l'homosexualité alors qu'ils n'avaient même pas le concept de l'homosexualité ? Il ne s'agit pas ici du simple fait qu'il n'y avait pas de mot en hébreu ou en grec qui correspondait au mot français, bien qu'il ne soit pas sans importance de poser la question de savoir pourquoi ces mots n'existaient pas. Nous avons le concept d'homosexualité parce que dans notre conceptualisation de la vie sexuelle, les genres et leurs combinaisons occupent une place centrale; pour nous, il est capital de savoir si deux personnes qui ont des rapports sexuels sont du même sexe ou de deux sexes différents. Les études historiques montrent que pour les civilisations anciennes cette question n'avait pas du tout la même importance. Il était beaucoup plus important de savoir si le rôle sexuel de chacun (actif/passif) correspondait à son statut social. Par exemple, il ne faisait pas problème qu'un homme libre pénètre un esclave, mais il était inacceptable qu'un esclave pénètre un homme libre. Mais il y a un problème plus profond concernant la manière dont l’Église se sert de la Bible en prenant position par rapport à l'homosexualité.

Il y a beaucoup de passages de Écriture que l’Église est prête à oublier, par exemple : Tu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour rien de ce qui se prête à intérêt. (Deutéronome) (23:19) ... N'appelez personne sur la terre votre père; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. (Matthieu 23 :9)

Même s'il y a des textes qui interdisent l'homosexualité (...) il est curieux que l’Église insiste dessus tellement fort tout en laissant tomber d'autres textes qui concernent la justice, les relations entre les hommes et la relation homme-Dieu, et qui peuvent être considérés comme exprimant la volonté de Dieu. L’Église peut donc oublier des textes bibliques quand cela lui convient. On peut avoir le sentiment que ce n'est pas le vrai respect de la parole de Dieu qui joue ici, mais un préjugé qui profite pour se justifier de l'existence de certains textes. Certainement, on sait que, si l’Église peut oublier certains textes bibliques tout en restant fidèle à la vérité et à la volonté de Dieu, elle peut oublier d'autres textes aussi. Les textes sur lesquels s'appuie l’Église ne sont pas à respecter simplement parce qu'ils sont là.

J'ai dit que la doctrine de l’Église n'est pas conçue pour rendre heureux les homosexuels. L’Église prétend que cela est faux. Elle ne dit pas que le bonheur est facile pour un homosexuel, mais elle prétend quand même que c'est en suivant sa doctrine que l'homosexuel dont la vie ne sera peut être jamais facile, sera le plus heureux possible. L'homosexuel qui rejette cette doctrine en espérant trouver le bonheur dans une liaison homosexuelle se leurre. La vie activement homosexuelle entraîne le malheur. Je rappelle : Comme dans tout désordre moral, l'activité homosexuelle entrave la réalisation et la satisfaction personnelle, parce qu'elle est contraire à la sagesse créatrice de Dieu. (Homosexualis Problema, § 7)

(...) Dieu veut le bonheur de l'homme, et ce que nous appelons un commandement de Dieu est un moyen de réaliser le bonheur humain. Il s'ensuit presque par définition qu'une manière de vivre qui est contraire à la volonté, à la sagesse créatrice de Dieu, entrave le bonheur et entraîne le malheur. Si l'homosexualité active (c-à-d les rapports homosexuels) est contraire à la volonté de Dieu, si c'est un "désordre moral", il s'ensuit qu'elle entrave le bonheur et entraîne le malheur. D'autre part, si elle n'entraîne pas le malheur, il s'ensuit qu'elle n'est pas un désordre moral, qu'elle n'est pas contraire à la volonté de Dieu. Il faut donc poser la question: est-il possible d'être à la fois homosexuel "pratiquant" et heureux ? (...)

Je connais personnellement des homosexuels pratiquant qui sont aussi heureux. Il n'y a aucune preuve que les homosexuels "pratiquants" doivent forcément être plus malheureux que les homosexuels "non-pratiquants", et l'expérience humaine nous dit le contraire. Les "non-pratiquants" sont parfois les plus malheureux et les plus angoissés des homosexuels. Il est vrai, semble-t-il, que les homosexuels, soit pratiquants soit "non-pratiquants", ont tendance à être moins heureux que les hétérosexuels; ils sont parfois très malheureux, à ce point qu'ils se suicident. Mais ceci n'est pas à expliquer en faisant appel à un "désordre moral". Le fait que, dans la plupart des sociétés, les homosexuels sont méprisés, qu'ils apprennent dès leur jeunesse à se mépriser, qu'on les disent malheureux, qu'ils vivent dans leur peur, qu'ils doivent se cacher, que la société ne les soutient ni les valorise nullement (comme elle valorise l'hétérosexualité et soutient les couples mariés),qu'ils sont souvent menacés par des lois répressives et donc par le chantage-tout cela peut facilement rendre malheureux les homosexuels, soit pratiquants soit "non pratiquants". Il n'est pas besoin de faire appel à un "désordre moral" pour expliquer le malheur de beaucoup d'homosexuels; de telles circonstances rendraient malheureux n'importe qui. Malgré tout cela, il y a des homosexuels qui réussissent à être heureux. Il n'y a aucune évidence que ceux qui mènent une vie sexuelle active sont moins malheureux que ceux qui restent seuls.

Au contraire, il est a priori très probable que le fait de vivre un amour sexuel profond rende heureux les homosexuels comme il rend heureux les hétérosexuels. Ceux qui vivent ainsi ou qui connaissent des couples homosexuels réussis en sont témoins. En plus, c'est souvent ces homosexuels-ci qui ont vaincu leur peur, qui ne se cachent plus, et cela aussi rend plus heureux. Il est donc faux de dire que le fait de vivre une vie homosexuelle entrave en soi le bonheur et entraîne le malheur. Il est donc faux aussi de dire que l'homosexualité est un désordre moral contraire à la volonté de Dieu. Il s'ensuit, semble-t-il que la doctrine de l'Église est fausse. Cette doctrine est aussi dangereuse.

L’Église veut que tout homosexuel s'abstienne de manière permanente de toute relation sexuelle. Selon la Bible, Dieu reconnaît qu' "il n'est pas bon que l'homme soit seul" et insiste pour créer pour Adam un partenaire qui lui plaise, elle veut que tout homosexuel vive dans une solitude sexuelle, une solitude non pas voulue, comme celle d'un prêtre ou d'une religieuse, mais imposée. La vie de couple, qui selon l’Église fait partie intégrale de la nature et du bonheur humains, est interdite par l’Église aux homosexuels. Si, selon la parole de Dieu, il n'est pas bon que l'homme soit seul, cette solitude imposée risque de faire des dégâts. Le fait de vivre, malgré soi, seul et sans relation sexuelle, n'enlève pas l'affectivité. Tout le monde le reconnaît: l'homosexuel qui vit dans la solitude reste quand même homosexuel. Si cette affectivité reste forcément sans expression, si elle ne s'exprime pas physiquement dans la cadre d'une relation humaine, elle peut facilement se déformer et rendre malheureuse et déséquilibrée la personne concernée. D'autre part, si l’Église voudrait créer une affectivité sans sexualité, elle risque de créer aussi une sexualité sans affectivité, une sexualité purement physique et mécanique, dépourvue de tout aspect relationnel et de toute humanité. Dans la vie humaine, l'affectivité et la sexualité vont ensemble; si on érige une barrière entre les deux, on risque de les abîmer toutes les deux.

L'amour

Pour revenir à la Bible, j'ai dit que les textes sur lesquels s'appuie l’Église ne sont pas à respecter simplement parce qu'ils sont là. Pour aller un peu plus loin, on peut demander: quels sont les textes bibliques qui sont à respecter Ils n'ont pas tous la même importance, il faut trier un peu. Tout dépend de quelles sont pour nous les idées clé de la Bible. Si nous lisons la Bible comme chrétiens, il est clair que Jésus Christ est la figure centrale de toute la Bible, qui est à lire à la lumière de sa vie et de son enseignement. Or, pour Jésus l'idée clé est l'amour: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. (Mathieu 22:37-40)

- "Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres… C'est ici mon commandement: Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés… Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres." (Jean 13:34;15:12,17)

- "Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites le de même pour eux, car c'est la loi et le prophètes." (Mathieu 7 :12)

Même Paul, qui, au contraire de Jésus, a des choses à dire sur les rapports sexuels entre des personnes de même sexe, insiste pour dire que c'est l'amour qui prime :

- "Ne devez rien à personne, si ce n'est de vous aimer les uns les autres ;car celui qui aime les autres a accompli la loi. En effet, les commandements "Tu ne commettras point d'adultère, tu ne tueras point, tu ne déroberas point, tu ne convoiteras point, et ceux qu'il peut encore y avoir, se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L'amour ne fait point de mal au prochain: l'amour est donc l'accomplissement de la loi." (Romains 13:8-10)

- "Que tout ce que vous faites se fasse avec amour" (I Corinthiens 16:14)

- "Frères, vous avez été appelés à la liberté; seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair ;mais rendez-vous, par amour, serviteurs les uns des autres. Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. "(Galates 5:13-14)

Pour développer sa doctrine sur la sexualité, l’Église prend comme point de départ des textes tels que Genèse 1 :27 ("A l'image de Dieu il créa ; mâle et femelle il les créa.") et Genèse 2:24 ("Aussi l'homme laisse-t-il son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et ils deviennent une seul chair.")

On peut poser la question : Il est bien de se baser sur la Bible, mais pourquoi commencer ici ? Nous savons que les textes qui parlent de l'amour sont beaucoup plus centraux dans le christianisme. Nous savons, d'après ce que disent Paul et Jésus même, que l'amour est plus important que la loi. Pour les chrétiens, les textes sur l'amour sont un point de départ beaucoup plus naturel que quelque texte que ce soit du livre de la Genèse. La fidélité la plus profonde à la Bible et à Dieu, ne consiste-t-elle pas en le fait de prendre au sérieux la primauté de l'amour ? Ceci est aussi la tradition authentique de l’Église et des églises, soit catholiques soit protestantes.

St Augustin dit: "Aimez, et faites ce que vous voulez". C'est une bonne règle et authentiquement chrétienne. Elle exprime la place centrale de l'amour dans l'éthique chrétienne, mais aussi la liberté que l'amour nous donne. Du point de vue chrétien, si quelqu'un aime son prochain il n'est soumis à aucune autre contrainte. Ce que l'amour chrétien exige, c'est qu'on supprime ses égoïsmes qu'on préfère l'autre à soi-même, qu'on recherche le bien de l'autre. Ce n'est pas facile, il faut beaucoup de patience, d'énergie, de bonne volonté. On peut aussi faire erreur, on peut croire que ce qu'on fait est pour le bien de l'autre alors qu'il ne l'est pas. Mais ce principe de l'amour donne à l'homme aussi beaucoup de liberté. Si, comme le dit St Paul, l'amour ne fait point de mal au prochain et est donc l'accomplissement de la loi. (Romains 13:10), aucune autre loi n'est d'application. Il y a sans doute beaucoup d'autres règles qui découlent de la "loi de l'amour", mais il n'y a pas d'autre base de la morale chrétienne, il n'y a pas de principe éthique concurrent ou supplémentaire.

(...) Beaucoup de théologiens catholiques, en traitant de la sexualité, font référence à une prétendue loi naturelle qui est censée être la volonté de Dieu inscrite dans la nature des choses crées, surtout dans la nature humaine. Cette loi est censée exclure certaines pratiques sexuelles. (...) Nos organes sexuels font partie de notre nature physique. Si on examine la forme et le fonctionnement de ces organes, il est clair qu'ils sont là pour fonctionner ensemble, organes masculins avec organes féminins, pour générer une nouvelle vie humaine. C'est là leur raison d'être, c'est là leur but. Utiliser ces organes autrement, p.ex. par la masturbation ou par les rapports sexuels avec préservatif, va à l'encontre de notre nature. La forme et le fonctionnement du pénis et de l'anus nous montre que, par contre, ces deux organes ne sont pas là pour aller ensemble. La pénétration anale est contre nature. Or l'auteur de cette nature est Dieu. Agir contre nature est donc une offense contre Dieu.

(...) Pour montrer que les hommes sont tenus à telle ou telle ordonnance de la loi naturelle, il faudrait montrer non seulement que c'est vraiment une ordonnance de cette loi, mais aussi que la transgression de cette ordonnance est contraire à l'amour du prochain. Même s'il est vrai que la loi naturelle excluait les rapports homosexuels - et il serait très difficile de le prouver - cette conclusion ne serait pas pertinente à l'évaluation chrétienne de l'homosexualité. Il faudrait démontrer plutôt que tout acte homosexuel est contraire à l'amour du prochain. Je ne sais même pas comment on essayerait de prouver cela. Il en va de même pour des idées plus récentes qui sont parfois apportées pour exclure l'homosexualité. L'homosexualité, dit-on, exclut la complémentarité homme-femme. Cette complémentarité, à la fois physique et affective, est créée et voulue par Dieu; en l'excluant, l'acte homosexuel va à l'encontre de la volonté de Dieu. En réalité, cette idée n'est qu'un prétendu élément de la loi naturelle, puisqu'elle fait appel à la nature de l'homme et de la femme tels qu'ils ont été crées par Dieu.

La réponse est la même: Dieu veut au fond l'amour, pas la complémentarité; Jésus en est témoin. La loi de la complémentarité, si elle existe, n'est pas d'application en tant que telle. Pour prouver que l'homosexualité est contre la volonté de Dieu, il faudrait démontrer que les rapports homosexuels sont contraires à l'amour du prochain.

Une variante de la notion de la complémentarité est celle de l'altérité. Selon cette idée, l'homosexuel, qui s'attache à une personne du même sexe, cherche ainsi le même et refuse l'autre. Or l'amour est précisément l'ouverture à l'autre; qui se ferme contre l'autre, comme le font les homosexuels dans leurs rapports sexuels, agit contre l'amour. Il y a ici un vrai argument contre l'homosexualité parce qu'il se base sur l'importance de l'amour. Malheureusement (ou heureusement), il se base aussi sur plusieurs erreurs. L'amour implique bien sûr l'ouverture à l'autre, mais cela veut dire que celui qui aime s'ouvre à une autre personne. L'amour n'implique pas que celui qui aime s'ouvre à une autre personne du l'autre sexe.

Sinon, il serait impossible d'aimer une personne du même sexe, ce qui est absurde. Notons que cet argument parle de l'amour, pas seulement des rapports sexuels; c'est par son amour que l'homosexuel se ferme, est censé se fermer contre l'autre. L'argument condamnerait donc pas seulement les rapports homosexuels mais aussi l'amour entre deux personnes du même sexe, ce qui est inacceptable.

En plus, il n'est pas vrai que celui qui aime, même sexuellement, une autre personne du même sexe se ferme contre toutes les personnes de l'autre sexe; simplement, il ne couche pas avec elles. Il y a beaucoup d'autres façons de s'ouvrir aux autres. Personne ne dirait que celui qui aime une personne de l'autre sexe se ferme contre toute les personnes du même sexe. Si, suivant l'autorité de Jésus, on prenait l'amour comme fondement et point de départ, on pourrait facilement arriver à une conclusion bien loin de la doctrine actuelle concernant l'homosexualité. L'amour homosexuel véritable existe, c'est indéniable, on n'a qu'à regarder. (...)

"Homosexualitatis Problema" est d'accord pour dire que les personnes homosexuelles sont capables d'aimer, qu'elles sont souvent généreuses et capables du don de soi; mais le document prétend, comme nous l'avons déjà vu, que "quand elles entretiennent une activité homosexuelle, elles cultivent en elles une inclination sexuelle désordonnée, foncièrement caractérisée par la complaisance de soi". Ceci doit vouloir dire plus que le simple fait que les homosexuels font l'amour parce qu'ils le trouvent agréable; c'est plutôt une accusation d'hédonisme et d'égoïsme; l'activité homosexuelle est contre l'amour. (...)

Quand on dit que quelqu'un agit par égoïsme ou par complaisance de soi, on dit pourquoi il fait ce qu'il fait; on parle de ses intentions, de ses désirs. Or celui qui sait le mieux ce qu'une personne veut faire et pourquoi elle veut le faire, c'est la personne elle-même. Il n'est pas juste d'imputer a priori une intention égoïste à une autre. Il faut demander aux personnes concernées elles-mêmes. Il est clair que deux homosexuels peuvent faire l'amour pour beaucoup de raisons différentes, et ces raisons ne sont pas forcément pas égoïstes; chacun peut vouloir faire plaisir à l'autre, comme dans un couple hétérosexuel.

(...) Bref, il est simplement faux de dire que les rapports homosexuels sont foncièrement caractérisés par la complaisance de soi. Toutes les intentions, tous les désirs qui sont possibles à un couple hétérosexuel sont possibles aussi à un couple homosexuel, sauf l'intention de procréer, et le manque de cette intention ne rend pas égoïstes les rapports sexuels. Si les rapports hétérosexuels peuvent être l'expression d'un don mutuel de soi, les rapports homosexuels peuvent l'être aussi. Si cette suggestion est correcte, les homosexuels sont sujets à la même loi que les hétérosexuels, celle de l'amour. Ils y sont tous sujets parce que l'amour est la vraie volonté de Dieu. Il y sont sujets dans tous les aspects de leur vie : dans leur vie économique, dans leur vie politique, dans leur relation avec leurs enfants, s'ils en ont, dans leur vie artistique, dans leur vie sexuelle. Dans le domaine sexuelle, qu'est-ce que l'amour exige ?

A mon avis, il exige au moins qu'on ne s'impose pas à l'autre et qu'on ne l'utilise pas comme un simple objet sexuel, qu'on ne le déçoive pas, qu'on ne le trahisse pas par l'infidélité sexuelle. L'amour exige aussi que le couple n'oublie pas l'obligation d'aimer les autres. Il y a peut-être d'autres formes qui découlent de l'amour; à discuter. Pour un chrétien, la vie sexuelle n'est pas séparée de sa vie de foi. S'il aime, l'homosexuel peut croire, comme l'hétérosexuel, qu'il accomplit la volonté de Dieu. Sil aime, il est lié aux autres par le lien voulu par Dieu, celui de l'amour. L'amour est le principe de l'unité que Dieu veut pour les hommes;c'est aussi le principe de l'unité qui unit les personnes de la Trinité. L'unité humaine est une image de l'unité divine et en découle : Je ne suis plus dans le monde, et ils sont dans le monde, et je vais à toi. Père saint, garde-les en ton nom que tu m'as donné, afin qu'ils soient un comme nous. Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé (Jean 17:11,20-21)

Pour la plupart des gens dans la plupart des circonstances, cet amour ne s'exprime pas sexuellement. Dans le cas d'un amour sexuel, les rapports sexuels deviennent l'expression naturelle de l'amour. On peut croire que dans ce cas-là l'union sexuelle d'un couple homosexuel peut devenir aussi, comme le prétend l'Église dans le cas d'un couple hétérosexuel, une représentation symbolique de cet amour qui est le principe de l'unité de Dieu. Celui qui aime vraiment un autre dit parfois que l'autre est le don de Dieu. Cela est vrai. Il est normal de rendre grâce pour un don. Pour un chrétien, rien n'est dû, tout est grâce, tout est don. La forme chrétienne du bonheur, c'est la reconnaissance.

C'est pourquoi St Paul dit: "Rendez continuellement grâces à Dieu le Père pour toutes choses, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ." (Éphésiens 5 :20) ... "que la paix du christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps, règne dans vos cœurs. Et soyez reconnaissants. Et quoi que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant par lui des actions de grâces à Dieu le Père." (Colossiens 3:15,17)

Un chrétien qui aime vraiment un autre rend grâce à Dieu pour l'autre. Certains d'entre nous sont hétérosexuels, d'autres homosexuels :nous n'avons aucune prise dessus. Mais, si Dieu nous a donné un ou une autre que nous sommes capables d'aimer, nous pouvons tous, nous devrions tous en rendre grâce à Dieu. (...) J'ai suggéré que tous ceux qui aiment doivent rendre grâce à Dieu pour leur amour. (...) il est intéressant de noter qu'il y avait dans l'Église primitive un débat, pas sur la nécessité d'observer l'hétérosexualité, mais sur la nécessité d'observer certaines lois concernant le sabbat et la nourriture.

Paul répond ainsi à ce débat : "Accueillez celui qui est faible dans la foi, et ne discutez pas les opinions. Tel croit pouvoir manger de tout; tel autre, qui est faible, ne mange que des légumes. Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange, car Dieu l'a accueilli. Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d'autrui ? S'il se tient debout, ou s'il tombe, cela regarde son maître. Mais il se tiendra debout, car le Seigneur a le pouvoir de l'affermir. Tel fait une distinction entre les jours;tel autre les estime tous égaux. Que chacun ait en son esprit une pleine conviction. Celui qui distingue entre les jours agit ainsi pour le Seigneur. Celui qui mange, c'est pour le Seigneur qu'il mange, car il rend grâces à Dieu;celui qui ne mange pas, c'est pour le Seigneur qu'il ne mange pas, et il rend grâces à Dieu." (Romain 14:1-6)

Dans une Église partagée, il faut selon St Paul, que chacun, tout en gardant son propre avis, respecte l'avis de l'autre. L'important est de garder l'unité fondamentale de l'Église, cette unité qui est fondée sur l'amour mutuel.